Monsieur légionnaire

Publié le par momoauvert

Monsieur légionnaire

Directeur de l’Institution des Invalides de la Légion étrangère à Puyloubier, j’avais l’honneur et l’avantage, privilège très apprécié, de recevoir de très grands anciens qui avaient beaucoup de choses à dire et qui ne se privaient pas de donner leurs avis sur tout et son contraire.

Il m’arrivait de les accompagner et même de les diriger dans une balade du domaine, ce qui me donnait l’occasion d’entamer avec eux de grandes discussions sur la Légion, bien sûr, mais aussi sur ce qu’ils avaient vécus. La promenade était propice à quelques confidences passionnantes, insolites…

Plusieurs fois par semaine, je recevais le général Jean Hallo qui habitait Aix en Provence, un voisin en quelque sorte, qui venait se ressourcer au domaine des vieux légionnaires et mettait une pause, une  « respiration » dirait-on à ses écrits. Il se lançait dans une œuvre qui envahissait ses loisirs à écrire la Légion étrangère, il prévoyait trois volumes.

Après bien des démarches pour trouver un éventuel et indispensable éditeur, il s’était adressé au FELE qui venait de publier quelques années auparavant le « livre des insignes » de Tibor Schesko. Malheureusement, échaudé encore par le non succès de cette édition qui n’intéressa que quelques collectionneurs bien ciblés, le stock d’invendus représentait un tel volume, une telle perte d’argent qu’il n’était absolument plus question de se relancer dans une nouvelle édition ;  les temps étaient à la plus grande des prudence. Bref, le Foyer d’entraide de la Légion ne souhaitait pas accompagné le Général dans son aventure littéraire. C’est ainsi que le Général se tourna vers les éditions « Lavauzelle » qui acceptaient de le publier mais présentait la condition de limiter l’édition à  la réalisation d’un seul volume qui parlerait des spécificités de la Légion et non de sa fabuleuse Histoire. Il restait cependant toujours à trouver un titre à cet ouvrage. « Monsieur légionnaire » était retenu. Le Général, lors d’une de ses visites, me demandait ce que je pensais de ce titre : « Monsieur légionnaire » pour son livre ?

Je répondis au Général que je trouvais ce titre très intéressant mais qu’en aucun cas il ne pouvait correspondre au légionnaire, c’est mal connaître la psychologie de ce dernier. Etonné, il me demanda :

-  pourquoi donc de tels propos ? 

 - « Voyez-vous, mon général, on ne peut dire monsieur à un légionnaire. Quand un monsieur s’engage, après avoir reçu son « képi blanc », il n’est plus monsieur, mais légionnaire et dire de quelqu’un de bien que c’est un monsieur, ne peut s’appliquer à un légionnaire honnête et fidèle. J’ai en mémoire où il fût un temps pour sanctionner une faute nous passions au rapport du Capitaine, Celui-ci nous appelait monsieur, il disait pompeusement avec sévérité : « Monsieur qu’avez-vous donc fait ? Il n’y avait rien de pire que de se faire vovoyer, vous étiez, un temps, redevenu monsieur,un étranger à la communauté qui ne pouvait redevenir légionnaire qu’une fois la punition exécutée… Bien entendu qu’un légionnaire est un monsieur, mais c’est avant tout un légionnaire qui représente une catégorie d’homme exceptionnel de par son expérience et les valeurs qui sont les siennes propres.

Le Général admettait mes arguments mais je pense qu’il était trop engagé pour ne pas prendre ce titre pour son livre. Par la suite quelques opportunistes en manque d’inspirations, s’attribuèrent sans scrupule, le titre de « monsieur légionnaire ». Une manière opportuniste d’afficher à leur profit un bon mot qui n’est, en fait, qu’une fausse interprétation d’un mot élégant qui est utilisé encore aujourd’hui d’une manière très mal à propos.

Je me garde de donner la leçon, mais de grâce n’ajouter pas monsieur à légionnaire et pensez à présenter votre amitié sans vous éparpiller dans « vos amitiés » comme si vous présentez à votre interlocuteur plusieurs formes d’amitiés le concernant !

CM

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